Genius Loci
Le lieu est intrinsèquement lié à la question de l’identité. Lorsque l’on parle de l’esprit du lieu, on fait référence aux émotions qu’un site peut générer en raison du caractère et du sens qu’il acquiert par le passage du temps. Cette signification constitue alors l’identité de ce site. Elle est formée de l’ensemble des caractéristiques et des évènements qui rendent le site unique dans l’esprit des gens et qui leur permet de s’y reconnaître.
En un lieu, les éléments matériels et immatériels se combinent pour créer une nouvelle réalité maintenant indissociable du site en lui-même qui, sans l’architecture et les évènements qui l’ont affecté, ne revêtirait pas la même signification. L’architecture prend alors la forme d’un point de repère dans le paysage qui contribue à l’image que les gens se font d’un lieu donné.
Concevoir un projet, c’est rendre visible le « genius loci », l’esprit du lieu.
« Un lieu est un espace doté d’un caractère qui le distingue. Depuis l’Antiquité, le genius loci, l’esprit du lieu est considéré comme cette réalité concrète que l’homme affronte dans la vie quotidienne. Faire de l’architecture signifie visualiser le genius loci : le travail de l’architecte réside dans la création de lieux signifiants qui aide l’homme à habiter. »
« Il n’existe pas de types d’architecture, il existe uniquement des situations différentes qui, pour satisfaire aux exigences physiques et psychiques de l’homme, amènent à des solutions différentes. »
« Protéger et conserver le genius loci signifie, en fait, concrétiser le sens, dans un contexte historique toujours nouveau. »
Extrait du livre : Genius Loci
Paysage, ambiance, architecture
Auteur : Christian Norberg-Schulz
Édition : Mardaga, 1997
(Conforter) les hameaux, villages et bourgs
La France compte une myriade infinie de hameaux, villages et bourgs. Leur désirabilité croissante et le renouvellement des populations impliquent une attention des concepteurs pour être compatibles avec l’impératif du développement durable et préserver leur belle âme villageoise. La maitrise de l’étalement urbain par le confortement des noyaux historiques est essentielle pour à la fois préserver le cadre de vie des « gens du coin » et accueillir les populations nouvelles.
La puissance de chaque lieu et son intrication avec la nature proche sont autant de sources d’inspiration pour réinterpréter et inventer de nouvelles formes urbaines et architecturales.
(Adoucir) les franges urbaines
Les franges urbaines correspondent à cette épaisseur abstraite qui assure la transition entre les territoires agricoles et les territoires urbains. Depuis le début des trente glorieuses, avec le processus de développement des villes par extension urbaine, ces franges n’ont cessé de se déplacer ou de s’épaissir.
La loi climat et résilience, induisant les révisions en cours des documents d’urbanisme, a pour effet bénéfique de marquer une pause. C’est l’opportunité de les adoucir et de les repenser progressivement comme des écotones, des zones de transition entre deux écosystèmes : naturels et urbains.
(Requalifier et densifier) les entrées de villes
Avec ses commerces franchisés, ses successions de ronds-points à l’anglaise et ses étendues démesurées de parkings à l’air libre, les entrées de ville sont l’incarnation de la ville générique globalisée. Si bien croquées en 2012 dans le Grand soir, film de Benoît Delépine et Gustave Kervern, toutes se ressemblent et plus rien ne les accroche au lieu sur lesquelles elles se sont soudainement étalées.
Requalifier une entrée de ville, c’est essayer de réinscrire un développement éclair dans le temps long. Redonner peu à peu l’espace au piéton, tisser des liens inter-quartiers, réinvestir les vides, déminéraliser les sols, remettre à l’air libre un cours d’eau autrefois busé. Le terrain de jeu est immense et ses enjeux pluriels stimulants.
(Revitaliser et mixer) les quartiers prioritaires
Depuis le 1er janvier 2024, la politique de la ville visant à compenser les écarts de niveau de vie avec le reste du territoire s’applique à 1362 quartiers de plus de 1000 habitants. Au-delà, il existe dans des villes moyennes une multitude de territoires urbains plus compacts où vivent ensemble des communautés de 300 à 900 habitants. Ces macro-lots sont, le plus souvent, propriété de bailleurs sociaux. Ceux-ci s’interrogent légitimement sur la stratégie à adopter pour donner un second souffle à leur patrimoine et pour le recoudre au tissu urbain qui l’enveloppe.
La transformation de ces quartiers est plus ou moins marquée par l’urbanisme de l’après-guerre aux années 80. Le défi consiste, à partir du diagnostic des lieux, de ses forces et faiblesses, à sublimer le déjà-là, à transformer l’existant, et à construire des architectures neuves désirables.
(Exploiter) les friches et (dynamiser) les quartiers de gares
Depuis les années 2000, les friches urbaines ont entamé leur mue. Hier, symbole déprimant de la désindustrialisation et de l’effritement de la société, celles-ci ont aujourd’hui le vent en poupe. Sous réserve d’un renouvellement équilibré, les friches peuvent être un remède face à la raréfaction des emprises constructibles et face aux défis écologiques, notamment l’érosion de la biodiversité en ville et la volonté de préserver les espaces agricoles et naturels. Ancien hôpital, usine, commerces, bureaux, terrain militaire, emprise ferroviaire… sur tout le territoire, ces espaces désuets, parfois abandonnés et dégradés, retrouvent de nouvelles fonctions après des années de sommeil.
Les quartiers de gare ne sont pas en reste. Souvent, lors de leur construction, les gares ferroviaires étaient excentrées par rapport au centre des communes desservies. De nouveaux quartiers, faubourgs ou même parfois de nouvelles communes sont alors apparus, faisant le lien entre les gares et les villes. Avec l’accroissement des centre-urbains, les gares sont désormais au cœur des villes et la mobilité qu’elles offrent, grâce au développement des trains inter-rurbains et à grande vitesse, est devenu leur atout majeur. Habiter, travailler, se cultiver, se soigner dans un quartier de gare, représente une perspective désirable et un levier solide pour réintroduire en ville un mode de vie paisible et décarboné. L’atelier accompagne depuis 2006 la transformation du quartier Nord Gare à Vannes.
(Sublimer) les cœurs de ville
Souvent de toute beauté, parfois chaotiques et délaissés, les cœurs de ville touchent à nos âmes car ils témoignent sans artifice de la vie des gens du coin et de l’histoire des lieux. Dent creuse, surélévation, réhabilitation, rénovation… nous avons la conviction que toute action à mener en cœur de ville doit être pensée dans un esprit de sublimation. Le beau n’étant pas universel, tout ce qui émeut, qui différencie, qui rend un lieu unique, peut ainsi être sublimé. Et, dans cet exercice l’architecture contemporaine, dès lors qu’elle prend clairement position, dans la continuité du récit ou en rupture argumentée, y a toute sa place.
(Transformer) les ports
Conçus depuis toujours pour accueillir les navires et faciliter le chargement et déchargement de leur cargaison, les ports maritimes sont le plus souvent nichés dans une ria ou un renfoncement de côte, à l’abri des vents dominants. L’analyse du récit de chaque lieu révèle souvent que, grâce à ses activités, un port a toujours été le catalyseur ayant permis l’épanouissement du village, de la ville et/ou du territoire qui l’entoure. Certains d’entre eux ont été abandonnés pour des raisons économiques, climatiques ou politiques. Les autres ont en commun une forme de résilience et démontrent une aptitude remarquable à se transformer, à se réinventer.
Au fil du temps, les rapports géopolitiques et l’évolution des modes de transports, ont généré une diversification de leur fonction. Leur périmètre s’est parfois agrandi ou a été déplacé : port de commerce, port royal, port de pêche, port militaire, port de fret, port de plaisance… Les enjeux urbains, sociaux et économiques pour les villes ports sont donc aujourd’hui considérables.